L'importance du lâcher prise dans les litiges : l'art de se libérer de nos souffrances et de redevenir acteur de sa vie

 

1.         Quelles sont nos options vis-à-vis de notre souffrance ?

On a tous connu de la souffrance en raison de l'attitude de quelqu'un. Un parent qui ne nous a pas assez considéré lorsque nous étions enfant, des camarades de classe qui se sont retournés contre nous, la maîtresse qui nous a humilié, un chef qui nous a harcelé psychologiquement, un conjoint qui nous a trompé, etc. Les exemples sont légion.

Dès lors, une question se pose. Comment réussir à vivre sereinement en ayant vécu ces événements qui nous ont fait tant de mal ? Comment ne pas les ressasser ou éviter d'avoir peur qu'ils ne se reproduisent ? Est-ce qu'on les cache dans un coin de sa mémoire, afin de les oublier pour ne plus les ressentir ? C'est une option. Que j'ai d'ailleurs essayée, pendant de longues années. Oublier, car ressentir fait mal. Tenir bon à tout prix. Et cela marche, si l'on enterre suffisamment profondément le souvenir douloureux. Mais ce système de défense ne fonctionne qu'un moment… Car la vie est ainsi faite. Elle met sur votre chemin un scénario similaire à ce que vous avez vécu mais avec d'autres personnes, dans un contexte différent et là… les émotions sont aussi vives que celles du passé. Mais comment est-ce possible, moi qui ne voulais surtout pas ressentir cela à nouveau (tristesse, colère, peur, frustration, dégoût, humiliation, trahison, rejet, etc.) ? Et pourquoi cela m'arrive-t-il, encore ?

En réalité, nous n'avons souvent pas conscience que nous sommes en train de revivre quelque chose que l'on ne connaît que trop bien. Nous sommes même parfois surpris par la force de notre réaction pour des événements qui paraissent anodins pour d'autres. Mais c'est simplement parce que nous avons déjà été dans cette situation et que nous ne l'avons pas réglée, digérée ou transcendée. Du coup, revivre un abandon, une humiliation, un abus ou autre est bien plus douloureux que la première fois, car justement, ce n'est pas la première fois. La douleur, qui n'a en fait jamais disparu, est ravivée. C'est comme taper sur un bleu ou une plaie ouverte recouverte d'un bandage…Lorsqu'on comprend cela, on se sent un peu moins coupable d'avoir réagi aussi fort.

Si l'archivage de nos souvenirs traumatiques dans une cave construite au profond de notre conscience ne fonctionne pas ou fonctionne comme une bombe à retardement, que faire d'autre ?

L'autre option, c'est de continuer à en vouloir à la personne qui nous a fait du mal. Mais dans ce cas, on continue à ressentir notre souffrance, et parfois tous les jours. Bien sûr, on ne se focalise pas dessus, on ne voit que notre colère qui s'alimente d'elle-même rien que d'y penser. Mais derrière la colère, qui est une émotion secondaire, se cache très souvent la tristesse comme émotion primaire. Certain nous font croire qu'on s'y habitue. Alors qu'on ne devrait pas s'habituer à de la souffrance inutile ! Au risque de heurter, c'est un choix ! En agissant de la sorte, on choisit de rester dans cette souffrance. On la mange au petit-déjeuner, on la traîne comme un boulet rattaché à notre pied la journée, et on se couche avec le soir. Toute notre vie est ainsi imprégnée de colère, de tristesse, de peur ou de toute autre émotion ou ressentiment en raison de ce que untel ou untel nous a fait. On colorie ce qu'on voit du monde avec ces émotions négatives, comme un filtre posé sur nos yeux et on le considère généralement comme injuste ou peu digne de confiance. Tout devient prétexte à la critique : le gouvernement n'a pas pris les bonnes mesures pour gérer la crise du COVID, notre chef ne sait pas nous apprécier à notre juste valeur, notre conjoint ne nous comprend pas, etc. Plus il y a d'événements de souffrance non réglés, plus notre monde se colorie de ces émotions qui stagnent en nous et parasitent notre vision de celui-ci, et plus nous sommes déprimés. Cela devient un cercle vicieux dont on peine à s'extraire. Bonjour dépression…

Mais il reste une autre option. C'est une option consciente et réfléchie cette fois-ci, les deux premières étant souvent des réactions non contrôlées.

Le lâcher prise.

Avant de vous partager une méthode pour y arriver, voyons ensemble ce que c'est et les avantages que cela peut vous apporter au quotidien.

 

2.         Qu'est-ce que le lâcher prise ?

Vous trouverez toutes sortes de définitions du lâcher prise dans les manuels de développement personnel. Je pense toutefois qu'il faut trouver chacun la sienne. En attendant, je vous propose celle qui me parle désormais le plus et qui m'a été indiquée lors d'une de mes formations.

 

Lâcher prise c'est faire la paix avec

ce qui nous fait encore souffrir

 

Je conçois que cela paraisse impossible de prime abord. Comment faire la paix avec quelque chose dont on souffre encore ou avec quelqu'un qui nous a fait du mal ? On ne va quand même pas lui faire ce cadeau !

Lâcher prise c'est avant tout une décision. Car tout changement souhaité dans notre attitude et nos habitudes de pensée passe d'abord par une décision qui est ensuite mise à exécution. Il faut décider de lâcher prise. Or, c'est le genre de décision qui demande du courage, de la force et une certaine discipline. Réjouissant. Circulez, il n'y a rien à voir ! Après tout, on a déjà assez à faire comme cela avec le stress du travail, les enfants, les Martin qui viennent dîner ce week-end et qui sont végétariens, flexitariens ou martiens. De plus, on est déjà allé voir ce thérapeute l'année passée, donc c'est bon, on a donné. Mais alors pourquoi décideriez-vous de lâcher prise ? Voyons ensemble ce que cette folle décision pourrait vous amener dans votre vie.

 

3.         Quels sont les avantages du lâcher prise ?

Commençons par le début. Sans le lâcher prise, vous restez accroché à ce passé négatif qui continue à vous déterminer et vous maintient dans un rôle de victime. Dans les faits cela donne ça : "si je suis comme cela c'est parce que j'ai beaucoup souffert". Mais non, ça c'est l'explication que vous avez choisie pour justifier votre comportement actuel. En fait, vous pouvez aussi choisir de réagir autrement. De cette manière, vous pourrez ouvrir à nouveau le champ des possibles et être qui vous êtes vraiment aujourd'hui et non qui vous avez été. Par exemple "ok, j'ai vécu telle ou telle chose, cela a été difficile mais aujourd'hui cela m'a permis de devenir plus fort. J'ai mieux compris ce qu'il s'est passé et l'ai accepté. Oui, cela m'est arrivé. D'ailleurs, j'aide les gens qui ont vécu la même chose que moi et cela m'apporte énormément. Je ne suis plus la victime de cet événement, je suis moi ayant eu une expérience". Mais vous n'êtes plus cette expérience qui est bien terminée.

 

 

Autrement dit, avec ce passé malheureux, que vous ne pouvez pas changer – ce qui s'est passé, s'est passé –  vous pouvez faire quelque chose de positif pour votre vie d'aujourd'hui. Vous pouvez l'utiliser pour construire quelque chose de différent et ne plus vous déterminer par rapport à lui en restant sa victime. Le transcender. Oui, oui, c'est possible.

Lâcher prise c'est sortir de cette position d'impuissance pour redevenir acteur de votre vie et non la subir.

C'est accepter le passé mais ne pas en faire votre futur.

C'est faire la paix avec ce passé douloureux grâce à votre décision d'en faire quelque chose d'utile et de positif. Vaste programme n'est-ce pas ? Aussi fou que cela puisse paraître, cela fonctionne, mais je n'ai pas dit que cela serait facile !

Et c'est ce qui m'amène à mon deuxième avantage. 

Lâcher prise c'est accepter qu'on ne puisse pas contrôler la vie ni les gens. Plus vite on le comprend et on l'accepte - car c'est un fait - et mieux on se porte. La vie et l'humanité en tant que telle sont libres et insaisissables. Cette acceptation a plusieurs bénéfices en effet. Tout d'abord, on récupère de l'énergie car tenter de contrôler les autres ou les événements c'est comme se battre contre des moulins : on s'épuise à faire quelque chose qui ne fonctionnera jamais. Peut-on empêcher la pluie de tomber ?

Or, et je l'ai découvert avec les années, on ne peut pas être partout sans se fatiguer, se disperser et sans perdre une partie de cette précieuse énergie. On ne peut pas en même temps l'utiliser à contenir ces expériences traumatiques, à étouffer notre douleur, tout en travaillant intensément, en s'occupant des enfants, en socialisant, et en tenant à jour notre ménage. En fait, sur le long terme, c'est impossible. On s'épuise. D'autant que la somme d'énergie utilisée pour ce faire est bien plus grande qu'on ne le réalise. En lâchant prise, en faisant la paix avec ce qui nous faisait souffrir et en cessant de vouloir contrôler notre monde incontrôlable, on se libère et on récupère de l'énergie. On respire enfin un peu mieux. Rien que pour cela, cela vaut la peine d'essayer… 

Cela fait, on peut ensuite analyser l'événement douloureux, en remettant chacun des protagonistes à sa place avec leurs responsabilités. Puis enfin, on peut agir en conséquence pour que l'événement qui nous a apporté du malheur ne se reproduise plus. Concrètement, tout commence par le fait de reconnaître que l'autre est responsable de son comportement, qu'il a été tel qu'il a été et que cela nous a été délétère (injuste, trop sévère, humiliant, irrespectueux, non aimant, non considérant). En d'autres termes, l'autre n'a pas rempli ce que nous estimions être sa part du marché dans la relation. Oui, la désillusion et la déception sont douloureuses. L'autre n'est pas comme on le souhaitait alors que nous, de notre côté, avions beaucoup d'estime ou d'admiration envers lui et en plus, nous avions rempli notre part du marché dans cette relation.

Qu'est-ce que cette prise de conscience (il pleut et mon chef est un abruti fini) nous donne comme opportunité ? Tout d'abord, la chance de pouvoir agir en conséquence (prendre un parapluie et démissionner pour un emploi où l'on sera plus valorisé). Ensuite, cela nous permet de voir nos faiblesses et d'y remédier (vulnérabilité, manque de confiance en soi, paralysé par la peur, dans l'attente de reconnaissance). Avais-je trop d'attentes vis-à-vis de cette personne ? Peut-être qu'au fond elle ne pouvait pas les remplir ? Y avait-il une relation asymétrique… ? N'oubliez pas que le bourreau ne peut exister sans sa victime, et inversement. Le lâcher prise par l'acceptation de ce qui a été vous donne donc 1) la possibilité de constater que telle ou telle relation ne vous convient pas et d'y mettre un terme ou la corriger et 2) de déterminer vos difficultés, d'y remédier et donc de changer votre comportement pour que cela ne se reproduise plus ou moins souvent. Car si nous ne pouvons pas changer les autres, on peut au moins se changer soi-même. Dieu merci, enfin quelque chose de contrôlable.

Enfin, lâcher prise ce n'est pas laisser gagner l'autre. Que pourrait-il gagner d'ailleurs si vous lâchiez prise sur ce qu'il s'est passé ? Sait-il seulement que vous souffrez encore et autant pour ce qu'il s'est passé ? L'autre n'a probablement aucune idée de ce que vous ressentez et encore moins que vous le ressentez encore aujourd'hui. Lâcher prise c'est vous offrir la possibilité de ne plus souffrir. C'est un cadeau que vous vous faites à vous-même et non à l'autre: la liberté. En étant libéré de votre souffrance qui prend une certaine place dans votre corps physique et émotionnel, vous vous sentirez soulagé et vous créerez un espace qui pourra se remplir des nouvelles choses ou personnes que vous aurez choisies. En quoi tout cela bénéficierait à l'autre ? En rien. A vous en revanche…

Maintenant que vous avez découvert les avantages du lâcher prise, venons-en à la manière de procéder concrètement.

4         En quoi est-ce important de lâcher prise si je veux résoudre mon litige avec l'autre ?

Que cela soit en médiation ou durant un processus collaboratif, j'ai constaté que si la souffrance engendrée par la relation était trop présente (soit parce que récente ou parce que non digérée suffisamment), il était quasiment impossible pour les participants de résonner, de se concentrer sur l'essentiel et de laisser de côté ce qui devait l'être afin de trouver un accord acceptable et pérenne. Le ressentiment enclenche un phénomène de vengeance ; on veut faire payer à l'autre ce qu'il nous a fait subir. Alors on refuse, on fixe des conditions impossibles, on critique l'autre à chaque phrase. Aveuglés par leur colère, les participants en oublient même qu'ils sont venus pour trouver un accord amiable afin de mettre fin à leur litige ou pour améliorer une collaboration difficile.  

Pour une méthode efficace de lâcher prise, veuillez consulter mon article : Lâcher prise, enfin une méthode efficace pour y arriver : www.solutions-amiables.ch/blog/lacherprise-une-méthode-efficace-pour-y-arriver

Je propose désormais, en sessions individuelles, de procéder ensemble au lâcher prise nécessaire concernant l'autre partie (conjoint, collègue, employeur, associé, etc.), pour vous permettre d'avancer vers la vie que vous souhaitez avoir et que vous méritez et pour vous donner toutes les chances d'être dans un état qui vous permette de négocier et de trouver un accord avec l'autre partie. Ces sessions peuvent avoir lieu également en dehors de tout processus de règlement amiable des litiges.