Les entreprises OPALE ; une nouvelle forme de management pour éviter les conflits au travail ?

Le mot « entreprise », dans son sens étymologique, a d'abord signifié "prendre entre ses mains", puis plus récemment « prendre un risque, relever un défi, oser un objectif ». Oserez-vous prendre le risque de créer une entreprise OPALE ou de modifier vos pratiques de management en vous inspirant des grands principes portés par ces nouvelles entreprises ? Et si on s’éloignait de l’association « travail-stress-souffrance » pour aller vers le « travail-passion-épanouissement » ? Ne serait-ce tout bonnement pas là quelque chose de logique ?

Développée par Frédéric LALOUX, l’entreprise OPALE (ou entreprise dite « libérée ») repose sur trois piliers ; l’autogouvernance, la plénitude et la raison d’être évolutive. Ces trois fondamentaux ont pour but de mettre un terme aux jeux de pouvoirs et aux blocages organisationnels qui ont souvent cours dans les entreprises dites classiques tout en augmentant la satisfaction et l’implication des employés. D’autres auteurs ont ajouté par la suite un quatrième pilier : la transparence.  En d’autres termes, la direction doit jouer la carte de la transparence et partager les informations stratégiques avec l'ensemble des membres de l’organisation, singulièrement les informations financières et économiques.

Frédéric LALOUX rappelle que la société a connu quatre grandes étapes dans son évolution en termes de management d’entreprise et qu’aujourd’hui elle vivrait une cinquième étape qui implique, comme pour toutes les autres, un changement de paradigme.

Pour présenter cela, l’auteur utilise des couleurs. Le premier paradigme historique de notre organisation sociétale reposait sur la force, la cruauté et l’arbitraire d’un chef sur les membres de son groupe. Invasions, empires, conquêtes rythmaient l’organisation humaine. La société était rouge. On retrouve ce type de management encore aujourd’hui dans la mafia. Ce type d’organisation fonctionne dans un environnement hostile mais n’est pas adapté à un environnement stable ou complexe. Puis, nous avons connu le paradigme de la morale, de l’ordre, de la stabilité et de la prévisibilité que l’on a retrouvé au sein de l’Église catholique et de ses missions. Les individus étaient considérés comme incapables de se gérer en autonomie et devaient pour fonctionner ensemble, avoir des règles rigides et une hiérarchie contrôlante. La société était ambre. Ce système est de nos jour utilisé au sein des gouvernements, dans l’éducation ou encore dans l’armée.

Le paradigme s’est ensuite transformé avec le siècle des lumières et la révolution industrielle. Il reposait sur l’efficacité, le matérialisme, la compréhension scientifique du monde et la recherche de la solution la plus rentable. L’individu et son bien-être, à l’instar de l’environnement et de l’éthique, n’y étaient que peu considérés. La société était orange. La plupart des entreprises privées fonctionnent encore avec ce paradigme. Dans les années 60, on a assisté progressivement à l’émergence de valeurs telles que l’égalité, l’appartenance, la justice, le sens de la communauté, du consensus et de la coopération. Comme preuves de ce changement, nous pouvons citer : l’abolition de l’esclavage, la garantie de la liberté religieuse, la libération de la femme et l’apparition de la démocratie. Certaines entreprises adoptent le partage des pouvoirs et la responsabilisation des employés en prônant une mission, inspirante et rassembleuse. La société était verte.

Aujourd’hui, on assiste à la naissance d’un nouveau paradigme qui repose sur la confiance et l’abondance. Les valeurs comme le self-management et l’auto-gouvernance sont explorées. Cette forme de management est encore peu pratiquée mais les entreprises qui ont suivi ce modèle sont florissantes et les employés affichent un taux de satisfaction au travail bien plus élevé qu’avec les modèles classiques. La société est opale.  

Bien que ces différents paradigmes cohabitent au sein de notre société, le paradigme OPALE devrait prendre de l’ampleur afin d’adhérer aux nouvelles valeurs de la génération Z pour qui le travail doit avoir un sens et procurer du plaisir. La génération Z recherche des managers qui la comprennent et l’ acceptent comme elle est. On sort ainsi d’une hiérarchie de « père » pour aller vers une collaboration entre « pairs ».

Voyons ensemble un peu plus en détail et avec quelques exemples concrets ce que signifierait l’application de ces trois piliers pour une entreprise.

1.          L’autogouvernance

L’autogouvernance implique l’absence de hiérarchie (ou sa réduction au strict minimum) et une gouvernance basée sur la confiance. Le lien entre la direction et les employés sur le terrain est direct, fluide et facile. On parle de flat hierachy ou flat organization. L'autogestion implique que les droits de décision et le pouvoir reviennent à toute personne ayant l'expertise, l'intérêt ou la volonté d'intervenir pour superviser une situation et ne dépend donc pas de sa position hiérarchique. Le leader informel devra trouver un consensus avec les membres de l’équipe qui auront tous la possibilité de s’exprimer et d’être considérés. Les décisions prises sont alors en adéquation avec l’opinion des acteurs présents. Chez Morning Star par exemple, société active dans la vente de tomates aux Etats-Unis, les employés fixent leur propre salaire chaque année, via un comité composé de salariés. On assiste ainsi à des hiérarchies informelles sur le terrain et à un leadership adaptatif. Cela nécessite toutefois une formation adéquate. Chez Buurtzorg, entreprise basée au Pays-bas et active dans les soins infirmiers à domicile, tous les nouveaux membres de l'équipe suivent un cours appelé « Méthodes d'interaction axées sur les solutions », apprenant des compétences sophistiquées d'écoute et de communication, des techniques pour organiser des réunions et prendre des décisions, ainsi que des méthodes de coaching mutuel et de mise en perspective. Enfin, le rôle de la direction en est modifié. Elle établit l’orientation stratégique globale de l’entreprise, comme toute entreprise dite classique, mais agit uniquement comme un support pour l’application de celle-ci, en ayant confiance envers les employés.

 

2.          La plénitude

La plénitude implique pour les membres d’une entreprise d’être vraiment eux-mêmes, sans jouer de rôle, en laissant tomber les masques et en montrant toutes leurs facettes. Ce pilier a trait aux interactions humaines au sein de l’entreprise. L’auteur part du principe que l’on gagne en énergie en étant vraiment soi-même. Faire semblant nous coûte. On ne le sent pas toujours, car parfois nous sommes habitués à faire semblant depuis l’enfance (n’exprime pas tes émotions, ne parle pas trop, obéis, sois comme ceci, sois comme cela). Pour être aimé, il fallait obéir, partager les mêmes valeurs, soutenir telle position. Mais faire semblant procure un malaise certain et insidieux. On s’éloigne petit à petit de qui on est vraiment et on accepte des choses que l’on ne devrait pas, tout en y laissant parfois sa santé. Laisser tomber le masque signifie ainsi montrer son authenticité et ses faiblesses. Dans ce sens, quelques pistes intéressantes : enlever le titre professionnel, favoriser un esprit d’entraide, même en dehors de la sphère professionnelle, effectuer des méditations collectives, des cercles de dialogue, autoriser le chien au travail. Spontanéité, sensibilité, humanité et différence ne sont plus relayées au rang des indésirables ce qui favorise la créativité. Le potentiel humain entier de la personne peut être mis à contribution pour le bon fonctionnement de l’entreprise. Le sentiment d’appartenance et les liens entre les membres de l’entreprise sont ainsi renforcés. Dans certaines entreprises OPALE, les emplois du temps sont personnalisés et décidés par les salariés eux-mêmes. Le recours au télétravail, popularisé aujourd’hui par la crise du COVID, est ancré dans la liberté des salariés de ces structures depuis longtemps...  

A nouveau, il convient de former les employés, les RH, la direction à des nouvelles méthodes d’accompagnement et de communication afin de sortir du quadriptyque « conseiller, corriger, critiquer, infantiliser » (ou quitter la relation parent-enfant en PNL pour une relation adulte-adulte) pour adopter une communication non violente ou d’autres techniques similaires.

 

3.         La raison d’être évolutive

Les fondateurs, les dirigeants et les employés d’une entreprise OPALE considèrent l'organisation comme une entité vivante, avec sa propre énergie et son sens de l'orientation. Ils laissent l’entreprise évoluer en fonction du marché ou du contexte mais également dans le sens que souhaite donner chaque employé à celle-ci. Ils n’établissent pas de plan d’action strict ; ils essaient d'écouter où l'organisation est naturellement appelée à aller. Dans cette systémique, la recherche d’un profit devient une contrainte et non l’objectif ultime qui est décidé et soutenu par l’ensemble des individus. Le point culminant est le sens donné à l’activité de l’entreprise qui vise un mieux-être du monde en général. Ce sens est partagé par l’ensemble du personnel. Grâce à la grande liberté d’initiative qui est laissée au sein des entreprises OPALE, chacun se sent concerné et s’investit. Pour que cela fonctionne, il faut que les conditions pratiques d’un tel exercice soient réalisées (supervision limitée, structure flexible et confiance). La clé du succès réside dans le fait que la raison d’être, les missions et les valeurs de l’entreprise doivent être partagées par la majorité des employés initiaux. L’évolution de ces éléments devra ensuite être discutée collectivement afin de permettre à l’entreprise de suivre le mouvement naturel de celle-ci.

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Aujourd’hui plusieurs entreprises ont fait le choix de modifier leur management en appliquant les trois piliers des entreprises OPALE. Dans son livre Reinventing Organizations: A Guide to Creating Organizations Inspired by the Next Stage of Human Consciousness (2014), Frédéric LALOUX présentait 14 entreprises OPALE de par le monde. A titre d’exemples, Patagonia, Morning star (laquelle détient 40% de la distribution de ketchup aux Etats-Unis), FAVI (qui produit en France des fourchettes de boîtes de vitesse pour l’industrie automobile et compte 500 salariés), Chronoflex ou EDF. En Suisse, on peut mentionner, les SIG avec leur programme « EquiLibre », UDITIS, Loyco, Systeo, etc.

Il suffit déjà d’appliquer un seul des  trois piliers pour voir une différence significative dans l’énergie de votre entreprise, une amélioration du bien-être de vos collaborateurs et une diminution des conflits. En leur redonnant du pouvoir, vous les encouragerez à l’innovation, les inviterez à reconsidérer leur engagement au sein de votre entreprise et les inciterez à mieux communiquer afin d’augmenter la cohésion d’équipe.

Pour savoir si un changement de management serait profitable à votre entreprise, faites un test de satisfaction auprès de vos employés (climat de l’entreprise) en vérifiant les variables suivantes : engagement, motivation, satisfaction, gestion interne des conflits, confiance en l’avenir, nouvelles attentes des salariés, etc.). Cela vous permettra d’avoir une vision précise sur ce qu’il convient de changer pour relancer l’élan de votre entreprise, attirer les talents de la génération Z et orienter votre entreprise vers « travail-passion-épanouissement ».

Enfin, si l’adoption d’un des trois piliers vous paraît insurmontable, vous pouvez d’ores et déjà appliquer l’un des quatre outils originaux pour améliorer l’ambiance au travail et prévenir les conflits que je préconise dans mon article du même nom que vous trouverez sur mon site. 

N’hésitez pas à me contacter pour discuter de vos besoins, recevoir des conseils ou mettre en place une stratégie propre à anticiper, gérer et résoudre vos conflits.